A quoi sert l’IA dans les médias : débrief de la Maddy Keynote
De la lutte contre les fake news à la monétisation d'anciens contenus vidéo ou la mondialisation des audiences, l'intelligence artificielle pourrait complètement transformer la façon dont les médias fonctionnent et gagnent de l'argent. C'était le sujet d'une conversation lors de la Maddy Keynote 2021.
Qu'elle joue au jeu de go, conduise des voitures ou apprenne à parler, l'intelligence artificielle est désormais omniprésente et profite à un large éventail de secteurs. Comme beaucoup d'autres, le secteur des médias a déjà été radicalement modifié par l'essor d'Internet et des nouvelles technologies. Il est donc d'autant plus logique de réfléchir à ce qui nous attend, et il ne fait aucun doute que l'intelligence artificielle jouera un rôle important.
Trois professionnels du secteur étaient réunis à la Maddy Keynote 2021 pour discuter de ce sujet. Guillaume Doret, PDG de Synchronized, Arnaud Mopin, Directeur de l'innovation du groupe TF1 et Jean-Philippe Poirault, Directeur du marché Télécom, Médias & Technologies chez Atos.
Monétiser les anciens JT
Selon Guillaume Doret, l'intelligence artificielle offre aux chaînes d'information une formidable opportunité d'indexer et de monétiser leurs archives vidéo.
« Pour l'instant, une vidéo n'est qu'un fichier avec un nom. Lorsque vous l'ouvrez, vous ne voyez que des données cryptées, ce qui est une occasion manquée, car cela vous empêche de naviguer à l'intérieur du fichier et d'en extraire des informations pertinentes ». Par exemple, si les informations diffusées le 15 avril 2019 peuvent être dépassées et non pertinentes, il se trouve que c'est aussi le jour où Notre-Dame a brûlé, ce qui peut encore s'avérer précieux aujourd'hui.
« Actuellement, vous pouvez indexer manuellement la vidéo, mais c'est un processus lourd et coûteux, qui n'est donc pas évolutif. Avec l'intelligence artificielle, vous pouvez rechercher automatiquement le fichier, trouver la séquence recherchée et la monétiser. C'est le genre de solutions que nous proposons chez Synchronized », a-t-il expliqué.
Non seulement l'intelligence artificielle peut rechercher des informations spécifiques dans la vidéo, mais elle peut aussi mettre ces informations en forme.
« Nous travaillons actuellement sur une technologie permettant de générer automatiquement une bande-annonce. C'est un grand défi pour les plateformes de streaming, qui ont parfois une bibliothèque de 10 000 films. En partant du film entier, l'intelligence artificielle peut faire de la rétro-ingénierie et en tirer instantanément une version de 30 secondes. Vous disposez alors d'une bande-annonce qui aurait autrement nécessité au moins deux jours et beaucoup d'argent pour être produite, ce qui est très utile lorsque vous traitez d'énormes volumes de données », explique Guillaume Doret.
Repérer les fake news
Un autre défi auquel l'industrie des médias est actuellement confrontée, bien sûr, est celui des fake news. Selon Jean-Philippe Poirault, l'intelligence artificielle peut aider en s'assurant qu'une information provient d'une source fiable. « Internet et les nouvelles technologies ont donné une voix à tout le monde. Nous sommes tous capables de diffuser des vidéos en direct, par exemple, ce qui est une formidable opportunité mais aussi un défi, car il est difficile de savoir ce qui est une information fiable et ce qui ne l'est pas. L'intelligence artificielle peut vous aider à savoir qui est la personne qui diffuse et ce qu'elle a fait auparavant. Elle peut également vous aider à voir tout le parcours de la vidéo que vous regardez, du début à la fin, et ainsi savoir s'il y a eu falsification, manipulation ou non. Chez Atos, nous fournissons cette solution à certains médias ».
« Maintenant, disons que vous regardez un débat entre deux politiciens qui se disputent sur une statistique spécifique. Les deux insistent sur le fait qu'ils ont raison. Lequel d'entre eux dit la vérité ? Cela peut s'avérer très frustrant. L'intelligence artificielle peut fournir quelques informations de base. À TF1, nous étudions comment l'intelligence artificielle peut vérifier les faits pendant un débat en direct. À l'avenir, de la même manière que Word souligne un mot en rouge lorsque l'orthographe n'est pas correcte, vous pourrez voir l'information en bas de l'écran, en vert si elle est vraie, en rouge si elle ne l'est pas », explique Arnaud Mopin, directeur de l'innovation du groupe TF1.
Une évolutivité accrue
Enfin, l'intelligence artificielle apporte aux entreprises de médias une certaine évolutivité. « Pendant les Jeux olympiques et paralympiques de Tokyo 2020, plus de 100 millions d'événements en direct ont été diffusés en toute sécurité sur différents médias dans le monde. Il faut absolument de l'intelligence artificielle pour gérer ce genre de volume et distribuer les contenus de manière fiable » explique Jean-Philippe Poirault.
Alors que la 5G se généralise, l'edge computing aidera les entreprises de médias à aller encore plus loin en matière d'évolutivité. « Aujourd'hui, 80% des données sont traitées dans les centres de données et 20% en périphérie. À l'avenir, ce sera l'inverse. Cela signifie que pour capturer un événement en direct, vous serez en mesure d'utiliser des nœuds d'ordinateurs travaillant en périphérie, ce qui réduira considérablement la quantité de matériel coûteux et encombrant dont vous avez aujourd'hui besoin pour pouvoir diffuser. Cela entraînera une explosion du nombre d'événements en direct partagés et permettra à certains petits événements régionaux d'être diffusés dans le monde entier et d’augmenter leurs revenus. Ajoutez à cela la possibilité d'accroître la personnalisation grâce à l'intelligence artificielle, en ciblant un contenu spécifique pour un public précis, ainsi que des technologies telles que la réalité virtuelle et augmentée, et vous commencez à entrevoir un paysage médiatique qui sera radicalement différent », prédit Jean-Philippe Poirault.
Selon lui, un défi important auquel les entreprises médiatiques seront confrontées dans les années à venir est le rôle clé que jouent déjà les grandes entreprises technologiques américaines en matière de réglementation de l'information. « Nous avons vu récemment, par exemple, comment Facebook a désactivé les comptes de certaines personnes en Afghanistan afin que les talibans ne puissent pas les cibler. Ces grandes entreprises technologiques deviennent centrales dans la diffusion et la régulation de l'information. Est-ce vraiment leur rôle ? Je ne sais pas, mais c'est une discussion que nous devrons certainement avoir », a-t-il conclu.
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