L’expérience client, chance et révolution pour le secteur public
Avec le programme Action Publique 2022, la France s’est fixée des ambitions élevées : adapter son service public aux besoins et aux usages actuels de sa population, doter les agents d’un environnement de travail qui corresponde à l’évolution de leurs missions et réduire drastiquement les dépenses. Pour atteindre ce triple objectif, les méthodes de rationalisation traditionnelles ne suffiront sans doute pas et l’approche par l’expérience client constitue une alternative pertinente.
Désignant l’impression durable que laisse à un client l’ensemble de ses interactions avec une entreprise ou une marque avant, pendant et après l’achat d’un produit ou service, l’expérience client est une notion plus vaste que l’expérience utilisateur, réservée à un canal en particulier. On parlera ainsi de l’expérience utilisateur d’une application mobile ou d’un service d’assistance téléphonique, mais sa qualité ne sera qu’une composante de l’expérience client globale.
Prendre acte des attentes du public
Pour le secteur public, employer le terme client plutôt qu’usager ou citoyen, c’est prendre acte des attentes du public dans un environnement digital où les distinctions s’estompent. En ligne, les administrations sont tenues aux mêmes standards d’usage que les sites d’e-commerce. Pour tous, une bonne expérience client signifie des procédures claires et efficaces, une information transparente et cohérente entre les différents canaux, et un service réactif voire proactif, et attentif aux situations particulières. En visant à améliorer son expérience client, le service public ne s’assimile pas à un service marchand mais, au contraire, se reconnecte à sa mission première : faciliter la relation au quotidien des citoyens avec leurs institutions.
Une meilleure expérience client est aussi bénéfique pour les agents. En effet, davantage d’autonomie, de fluidité et de satisfaction, ce sont moins d’erreurs et d’agacement de la part des usagers, moins de ressaisies à effectuer et de réclamations à traiter, et donc un travail plus gratifiant dans un environnement apaisé. À travers l’amélioration de l’expérience client, on voit ainsi se profiler des gains sur les trois axes de progrès fixés par Action Publique 2022.
L’enjeu : casser les silos
Loin d’être aussi en retard en matière d’administration numérique qu’on l’affirme parfois, la France a vu ces dernières années se multiplier tant au niveau local que national des initiatives digitales souvent à la pointe des technologies et des usages. Mais souvent isolées et hétérogènes, ces actions restent trop méconnues, difficiles à interconnecter et à généraliser, et même sources d’irritation. Pour le client comme pour le citoyen, la persistance d’avoir à répéter des informations à l’ère du digital est incompréhensible. La clé d’une expérience client réussie sera donc d’intégrer les différentes étapes du parcours de l’usager en capitalisant sur les données fournies ou recueillies afin de proposer la solution ou l’information adaptée à la situation, au bon moment. Autrement dit, l’enjeu est de casser les silos techniques et organisationnels.
Pour cela, la méthode éprouvée consiste à envisager le parcours client dans sa globalité pour construire le(s) service(s) du point de ses besoins et non des contraintes du producteur. À la différence du consommateur volontaire et motivé lorsqu’il cherche un produit ou un service, l’usager de l’administration agit majoritairement dans un cadre régulé et contraint, sans avoir ni l’envie ni le temps ni les informations nécessaires. À l’approche traditionnelle AIDA (Awareness, Interest, Desire, Action), on peut donc préférer une approche moins linéaire, orientée conseil et fondée sur des personas (dans notre cas, usagers ou citoyens), qui parte de l’événement déclencheur des démarches: devenir parent, faire valoir ses droits, chercher un emploi, prendre les transports, déménager… Envisager la façon dont le citoyen va aborder les questions administratives relatives à ces événements de vie, c’est naturellement placer l’expérience client au prisme de la vocation du service public.
« Devenir parent, faire valoir ses droits, déménager…autant d’étapes du parcours citoyen qui gagneraient à être traitées dans une perspective expérience client ».
Systèmes modulaires, services composites
L’approche via le parcours client conduit ainsi à abattre les silos pour pouvoir recomposer les services dans la perspective de l’usager. Disposer de systèmes ouverts, fondés sur des API, permettra de bâtir des bouquets de services composites, d’en élargir progressivement les fonctionnalités et de les intégrer à diverses plateformes positionnées sur le parcours de l’usager. Le suivre tout au long de son parcours, c’est aussi multiplier les opportunités de recueillir des informations que l’on pourra réutiliser par la suite pour simplifier la relation (avec toute la prudence et la sécurité requises) pour proposer des services personnalisés et contextualisés, par exemple avertir de l’attribution de prestations liées à la situation nouvelle.
Penser « expérience client », c’est aussi veiller à disposer d’indicateurs pertinents. A défaut du fameux indicateur de fidélité NPS (Net Promoter Score), la mise en place de tableaux de bord opérationnels orientés « métier », permettra d’outiller le sujet sensible de la gouvernance des nouveaux services et d’objectiver leur pilotage au quotidien. Révolution dans l’approche, l’expérience client apparaît comme une chance pour les acteurs publics car elle leur permet de répondre aux attentes concrètes des citoyens tout les plaçant collectivement sur la trajectoire des objectifs d’Action Publique 2022.