Comment Météo-France et les énergéticiens travaillent pour booster les énergies renouvelables ?
En l’absence de solution satisfaisante de stockage de l’énergie, il est impératif d’équilibrer à tout instant la production et la consommation d’électricité. Ceci constitue l’un des écueils majeurs au développement des énergies renouvelables (EnR) photovoltaïques et éoliennes, fondamentalement irrégulières. Non seulement on ne peut pas compter sur le solaire par les longues nuits d’hiver, mais il suffit d’un nuage ou d’une bourrasque pour faire subitement varier la production ! Nous avons interrogé Météo-France et nos experts pour savoir comment prévisionnistes et énergéticiens arrivent à anticiper la production d’énergie verte.
Savoir mieux répartir le mix énergétique
La variabilité des EnR a un impact économique direct sur toute la chaîne de valeur. Pour les producteurs, qui risquent perpétuellement de produire trop (et de devoir évacuer cet excédent qui pourrait saturer les infrastructures) ou pas assez (et de perdre une opportunité de revenu), et doivent donc intégrer ce facteur d’incertitude à leurs modèles économique et opérationnel. Pour les agrégateurs, qui achètent l’électricité de petits producteurs pour la revendre en gros, et qui jouent un rôle clé dans l’équilibrage du réseau. Pour les distributeurs (Enedis ou l’une des 140 entreprises locales de distribution), qui ont besoin de connaître précisément la production pour offrir un service de qualité. Et tout cela sans compter les prosumers, ces clients qui produisent une partie de leur électricité !
Prévoir précisément la production est crucial pour la viabilité économique de la filière, pour la compétitivité des EnR vis-à-vis des autres sources d’énergie et pour leur capacité d’occuper à terme une place prépondérante dans le mix énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique. L’Union européenne s’est notamment donné pour objectif que les EnR représentent 32 % de la consommation finale d’énergie en 2030 (contre 18,9 % en 2018).
Centre National de Prévision - Météo-France
De la théorie à la pratique
Prévoir la production est un exercice complexe car elle dépend des conditions météorologiques, mais aussi des caractéristiques de l’infrastructure : orientation et surface des panneaux solaires, hauteur du mât, longueur des pales…Pour l’éolien comme pour le photovoltaïque, Météo-France a développé des modèles intégrant ces caractéristiques physiques, MF Wind et MF Solar, qui permettent, par exemple, de simuler la capacité d’un site candidat à la production ou de fournir des prévisions dès la mise en service d’une installation alors qu’on ne dispose pas encore d’historique la concernant.
Mais l’énergie produite par une éolienne étant proportionnelle au cube de la vitesse du vent, les erreurs s’amplifient très vite, et si l’on veut des prévisions de grande précision, il faut aller plus loin que ces modèles théoriques, qui ne peuvent tenir compte de tous les paramètres techniques et opérationnels. Pour cela, la solution passe par le Machine Learning : en confrontant l’historique de production aux mesures réalisées à chaque instant, l’algorithme est capable de bâtir un modèle de prévision statistique extrêmement précis et propre à chaque installation.
« Pour répondre à ce besoin, nous avons mis au point avec Atos une démarche originale qui combine ces deux approches. On part sur un modèle physique reprenant les caractéristiques de l’installation fournies par son exploitant, tout en mettant en place la collecte des données de production grâce auxquelles sera élaboré, au fil de l’eau, un modèle statistique. Les deux modèles sont ensuite régulièrement mis en compétition jusqu’à ce que le modèle statistique finisse par l’emporter. Il prend alors le relai sans cesser de s’affiner avec le temps. » explique Christophe Périard, Directeur Adjoint Technique des Ventes chez Météo-France.
Apprendre à s’auto-corriger
Cependant, comme dans toute démarche fondée sur les données, tout dépend de leur qualité. « En effet, si un incident s’est produit sur un panneau solaire, il est important de l’enlever du jeu de données pour ne pas fausser l’analyse et risquer de décalibrer le modèle. C’est pourquoi le modèle que nous avons conçu est auto-adaptatif, c’est-à-dire qu’il est capable de lancer un réapprentissage sur des données nettoyées s’il a constaté qu’il tendait à diverger. Aujourd’hui, nos prévisions de production d’électricité à J+1 visent en moyenne une erreur inférieure à 5% provenant du solaire et de l’éolien à 15%» souligne Franck Freycenon, Directeur Energie & Utilities Big Data Solution chez Atos.
« En combinant prévisions météorologiques de grande qualité, modèles physiques éprouvés et expertise algorithmique, notre solution permet à tous les acteurs des EnR de disposer de prévisions suffisamment précises pour réduire la part d’incertitude de leur activité et suffisamment précoces pour s’organiser en conséquence et par exemple, programmer des opérations de maintenance en période annoncée creuse » ajoute Nadine Aniort, Directrice Adjointe Marketing chez Météo-France. Une double avancée qui pourrait s’avérer décisive pour l’essor des énergies renouvelables.