GAIA-X : Un cloud européen souverain dans un écosystème d'interopérabilité mondial
Face aux débats suscités par la présence d’acteurs non-européens parmi ses membres, le consortium GAIA-X réaffirme sa vision d’un écosystème du cloud « made in Europe » en attendant l’arrivée de ses premiers services labellisés en 2022.
Lancé il y a un an et demi, le projet GAIA-X poursuit son chemin malgré les accrocs. L’ouverture de son deuxième sommet annuel, qui s’est tenu du 18 au 19 novembre à Milan, a suscité une polémique concernant la présence d’acteurs américains et chinois parmi les sponsors de l’événement, mais aussi à cause du départ de l’un de ses membres fondateurs, Scaleway, en raison de la place jugée trop importante d’acteurs non-européens au sein de l’organisation.
Pas de quoi menacer cet ambitieux projet qui rentre désormais « dans le dur », estime Frédéric Malicki, CTO d’Atos Europe du Sud. Au contraire, « il faut à présent mettre un coup d'accélérateur, remobiliser les troupes et être en capacité de montrer du concret. »
GAIA-X a d’ailleurs beaucoup grossi cette année – fédérant désormais plus de 300 entreprises et organisations, clients ou fournisseurs de services cloud – et certains data spaces comme celui de l’énergie, de la finance, du Green Deal, de la santé et de la mobilité ont bien avancé. « Nous sommes aujourd’hui dans une phase où les cas d’usage prioritaires et leurs spécifications ont été définis et où les prototypes sont en cours de développement », explique-t-il en prenant l’exemple de l’énergie et de l’optimisation des réseaux pour le véhicule électrique.
Un équilibre à trouver
Le sommet GAIA-X à Milan en novembre aura aussi été l’occasion de réaffirmer la vision portée par le consortium, tournée vers l’ouverture et l’inclusion. Si les membres du conseil d’administration sont exclusivement européens, ses labels, eux, peuvent en effet être attribués à l'ensemble des fournisseurs du marché, comme c’est également le cas du label « cloud de confiance » français. Les membres de GAIA-X, eux, restent très majoritairement européens.
Pour Frédéric Malicki, le risque, en voulant se limiter à un service 100% européen, serait de répéter les erreurs des initiatives passées, à l’image du service d’hébergement français souverain Cloudwatt d’Orange, avorté en 2020. « Il y a un équilibre à trouver entre la souveraineté, qui recouvre la sécurité et la protection de la donnée, le prix, qui doit être acceptable pour le client, et la fidélité au cloud avec une offre qui soit aussi qualitative que celle des acteurs dominants du marché », analyse-t-il.
Tiers de confiance : une opportunité pour l’écosystème européen
Aujourd’hui, la tendance est aux alliances locales et internationales. Atos, pour sa part, entend jouer son rôle de « tiers de confiance » de manière transverse et ouverte en interagissant avec l’ensemble des acteurs de son écosystème, qu’ils soient européens comme OVHcloud ou étrangers comme les hyperscalers américains. « C’est là qu’il y a une vraie opportunité pour l’ensemble des acteurs européens, souligne Frédéric Malicki. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas continuer à développer des alternatives. »
« Il ne faut pas opposer les hyperscalers à ces initiatives européennes, ajoute-t-il. Je reste convaincu que nous avons plutôt intérêt à travailler avec les acteurs dominants du marché en intégrant leurs offres et en garantissant que leurs offres répondent aux principes et standards européens en termes de multi-cloud et d’interopérabilité, parce qu'on ne pourra pas faire sans ces acteurs qui sont dominants sur le marché – tout simplement parce qu’ils répondent aux besoins de nos clients ». Un constat qui a également été formulé lors du sommet par le CEO de GAIA-X, Francesco Bonfiglio : « Quiconque croit que la solution pour la confiance numérique européenne est de fermer les portes aux non-européens ne comprend pas ce qui se passe avec les données mondiales. »
Miser sur les atouts européens
À l’Europe, finalement, de se faire sa place dans cet écosystème mondial en développant sa propre expertise. C’est en tout cas la philosophie portée par l’IPCEI-CIS (Important Project of Common European Interest on Next Generation Cloud Infrastructure and Services) regroupant des acteurs européens des technologies edge-to-cloud. « Ce programme stratégique s’intéresse aux solutions qui vont permettre de positionner les acteurs européens comme des acteurs à même de concurrencer les hyperscalers, non pas en reproduisant ce qu’ils font, mais en investissant sur des sujets sur lesquels ils ne sont pas encore en position de leadership ou de monopole, afin de permettre aux Européens de se différencier », expose Frédéric Malicki en évoquant les technologies edge, la décarbonation, la cybersécurité et le continuum edge-cloud.
Côté Atos, le lancement de sa nouvelle offre Atos OneCloud Sovereign Shield le 18 novembre entend de la même façon déployer son expertise à l'international, qu’il s’agisse d’entreprises souhaitant reprendre le contrôle sur leurs données ou devant s’aligner avec certaines réglementations ou normes comme la qualification de sécurité de l’ANSSI SecNumCloud. De plus, pour certains acteurs ayant besoin d’échanger des données avec des partenaires mondiaux, « il faut avoir un framework uniformisé entre les pays, et pouvoir suivre les mêmes règles pour leur permettre d’échanger de la donnée en toute confiance avec des partenaires allemands, anglais, américains ou éventuellement chinois », poursuit-il.
Cette approche, dont les offres et les services devront être conformes aux standards de GAIA-X, se veut être « un vrai accélérateur pour le projet GAIA-X », précise Frédéric Malicki. « La dimension GAIA-X y est fondamentale puisqu’elle porte la norme qui va s’établir au niveau européen. Cela va permettre d’adresser les besoins de souveraineté quels qu’ils soient, et surtout quelles que soient les besoins et la définition qu’à le client de la souveraineté ». De quoi diffuser à l’international la vision d’une souveraineté européenne exigeante.