Jeux vidéo, concerts, sport... A quoi ressemblera le divertissement dans le métavers ?
Contenu exclusif pour les fans, nouveaux revenus pour les créateurs, expériences immersives en direct... On a essayé de comprendre comment les ligues sportives, les musiciens, les artistes et les créateurs de contenu pourraient se réinventer grâce au métavers.
En novembre dernier, la NFL a annoncé le lancement d'une nouvelle boutique, où les fans de football américain pourront acheter des maillots et des casques officiels des 32 équipes. Rien de bien extraordinaire, sauf que le magasin ne sera pas physique : il s'agira d'une boutique en ligne dans Roblox, la plateforme qui ressemble le plus aujourd’hui à ce que sera le « métavers » : un jeu vidéo où les utilisateurs peuvent créer leurs propres jeux et passer d'un monde virtuel immersif à un autre.
Depuis que Mark Zuckerberg a rebaptisé son entreprise Meta, le métavers est le nouveau mot à la mode sur Internet. Selon le fondateur de Facebook, « on peut penser au métavers comme à un « internet incarné », où au lieu de simplement regarder du contenu, on y est. Et vous vous sentez présent avec d'autres personnes comme si vous étiez dans d'autres lieux, vivant des expériences différentes que vous ne pourriez pas nécessairement vivre sur une application ou une page web en 2D, comme la danse, par exemple, ou différents types de fitness. »
Les géants de la tech et des télécoms sur les rangs
D’autres entreprises ont déjà commencé à cibler ce segment de marché, notamment les géants du cloud qui disposent des capacités de stockage et de traitement dont le métavers aura besoin. Microsoft appelle sa propre approche "MR", pour mixed reality, tandis qu'AWS a commencé à utiliser un jeu semblable à un métavers pour former ses collaborateurs au cloud.
La 5G favorisera également le développement du métavers, conduisant de nombreuses entreprises de télécommunications à s’y intéresser. Qualcomm parle de "XR", pour extended reality. T-Mobile s'est associé à NuEyes, une entreprise de lunettes intelligentes, pour travailler sur le métavers. Lors du dernier Mobile World Congress à Barcelone, Meta a mis en évidence trois domaines sur lesquels l'industrie de la 5G et des réseaux doit travailler afin de soutenir le métavers : la réduction de la latence du réseau, l'avancement de la bande passante symétrique et l'accélération de la vitesse globale du réseau.
Le métavers s’appuiera sans doute sur des technologies de Réalité Augmentée et de Réalité Virtuelle qui offrent une simulation réaliste de notre monde, où les utilisateurs peuvent faire toutes sortes de choses cool, comme dans le film Ready Player One. Cependant, il est également possible d'avoir un métavers sans ces technologies, à condition d'avoir une communauté de joueurs qui collaborent pour créer du contenu, jouer à des jeux et prendre part à toutes sortes d'activités sociales, qu'il s'agisse de socialiser dans un bar virtuel, d'aller à un concert ou à un match de sport virtuel.
La partie jeu est particulièrement importante, sans quoi le métavers serait tout simplement ennuyeux. A l’instar de Second Life, où le seul but était d'être là et de socialiser, et à la rapidité avec laquelle il a perdu ses utilisateurs une fois la nouveauté passée. Fortnite, au contraire, donne aux utilisateurs un objectif à travers son concept de bataille royale, et leur fournit ainsi une excuse pour se socialiser et passer du temps avec leurs amis. Lorsqu'il est bien conçu, le métavers est l'équivalent moderne du bowling : un endroit où l'on peut s'amuser, mais où ce divertissement est aussi un prétexte pour passer du temps avec des gens.
Des concerts ou des matches immersifs
Un métavers engageant offrira logiquement des opportunités intéressantes pour l'industrie du divertissement, en premier lieu en proposant de nouveaux revenus. Au cours des dernières années, il est devenu de plus en plus difficile de gagner sa vie en tant que musicien, car les plateformes telles que Spotify ne paient pas beaucoup, à moins d’attirer des millions d'auditeurs.
En offrant aux musiciens la possibilité de proposer des concerts et de nouvelles expériences en ligne, le métavers pourrait changer la donne. The Wave XR, par exemple, s’est spécialisé dans les concerts virtuels interactifs en direct. « Ce sont des expériences magnifiques et riches, où l'on peut dialoguer avec ses amis et où les musiciens peuvent voir les messages du public pendant qu'ils jouent », explique Mike Fischer, professeur de médias interactifs à l'université de Californie du Sud, qui a dirigé une étude sur le divertissement et le métavers.
Comme le souligne Jeff Burke, doyen associé pour la technologie et l'innovation à l'école de théâtre, de cinéma et de télévision de l'UCLA, « le métavers met en avant la notion d'identité/avatar/présence du spectateur comme étant pertinente - plutôt que d'être des utilisateurs/spectateurs sur un écran, nous sommes dans le contenu, ou du moins à côté. Je pense donc que les cas d'utilisation les plus intéressants sont ceux qui commencent à rendre la présence du spectateur pertinente pour l'expérience. »
Demain, il sera possible de regarder une version VR d'un match, de sorte que vous puissiez être avec vos amis tout en le regardant virtuellement, dans le métavers, mais aussi vous déplacer sur le terrain et bénéficier de contenus virtuels supplémentaires.
Pourquoi pas dans le futur se déplacer dans le stade ou choisir sa caméra pour regarder le match sous tous les angles possibles, voire à travers les yeux de son joueur préféré... ? Ainsi, regarder un match dans le métavers pourrait devenir encore plus immersif que de le regarder en vrai.
Du consommateur passif au fan actif
Le métavers offre également à l'industrie du divertissement une occasion unique d'imaginer de nouvelles formes de contenu collaboratif. A New York, la société Genvid crée ce qu'elle appelle des MILE (Massively Interactive Live Events), qui offrent un mélange entre un film et un jeu vidéo multijoueur. « Il s'agit de flux vidéo où des millions de personnes peuvent regarder, jouer et participer ensemble, en affectant l'histoire, les personnages, les mondes ou le gameplay », explique Jacob Navok, PDG de Genvid Technologies.
« Les technologies qui rendent cela possible sont une combinaison de moteurs de jeu, de vidéo en direct et de superpositions interactives. La vidéo peut être mise à l'échelle de millions de personnes et, par conséquent, nous sommes en mesure de faire participer beaucoup plus de personnes à une expérience unique que ne le permettrait le multijoueur traditionnel. »
L'entreprise a récemment lancé Pac-Man Community with Facebook, qui offre la possibilité de jouer instantanément avec des utilisateurs du monde entier, d'interagir avec des flux vidéo et de rejoindre le flux d'une personne que vous regardez. En deux mois, il a rassemblé plus de 4 millions de joueurs, et les utilisateurs ont créé plus de 12 000 labyrinthes.
Ce type d'applications massivement multijoueur nécessitera un traitement des données à grande vitesse (surtout en ajoutant de la réalité virtuelle ou augmentée) et ne se développera pas sans l'aide du edge computing.
Un risque pour nos données personnelles ?
Le métavers n’est pas encore là mais suscite déjà des inquiétudes quant au respect de la vie privée. L'extraction et la monétisation des données personnelles soulèveront-elles de nouveaux problèmes de confidentialité ? Les mouvements de nos avatars et nos données haptiques (liées au sens du toucher) seront-ils utilisés à des fins commerciales ? Avec toutes ces nouvelles données disponibles, les sociétés qui monétisent la donnée pourraient apprendre à lire nos émotions avec un niveau de précision sans précédent, en sachant le moment exact où nous sommes prêts à acheter quelque chose et en nous ciblant avec des publicités hyper personnalisées.
Selon Jeff Burke comme ces situations seront plus proches de ce que nous vivons dans le monde réel, nous pourrions être plus conscients que nous sommes manipulés, et donc plus prudents. « Si les problèmes peuvent sembler nouveaux, il se peut qu'ils soient simplement plus faciles à appréhender pour les utilisateurs que dans le contexte du Web 2.0. Nous sommes déjà suivis dans l'espace virtuel, dans l'espace réel, avec des données haptiques (services de localisation et autres données mobiles, possibilité de suivi oculaire, etc.) Ainsi, bien que les données puissent être différentes, je ne pense pas que les problèmes de protection de la vie privée soient si différents à la base - mais parce qu'ils auront une analogie physique plus claire, la perception de l'utilisateur sera différente et peut-être les problèmes de protection de la vie privée plus apparents. »
Pour en apprendre plus sur le métavers, téléchargez le rapport de la Communauté Scientifique Journey 2026 : Unlocking virtual dimensions.
Publié le 4 mai 2022