IA générative & Productivité : Les gains sont-ils réels ou illusoires ?
Chaque jour, nous entendons parler des outils basés sur l’IA générative, comme Copilot de Microsoft, qui promettent d’augmenter la productivité en faisant gagner quelques heures par semaine aux employés. C’est une bonne nouvelle, mais il reste la vraie question : que pouvons-nous faire de ce temps gagné ?
Il est évident que la tendance ne signifie pas forcément le progrès, et qu’être occupé n’est pas toujours synonyme d’efficacité.
Une fois encore, nous misons beaucoup sur une nouvelle technologie pour améliorer notre productivité, tout en fermant les yeux sur les inefficacités culturelles et systémiques qui nous coûtent bien plus cher. Autrement dit, si nous ne changeons pas nos méthodes de travail, le temps gagné sera rapidement absorbé par une augmentation du nombre de mails et de réunions, ce qui ne serait pas plus productif.
Sommes-nous simplement occupés à être occupés ?
Pendant et après la pandémie, nombreux sont ceux qui se sont retrouvés coincés dans des réunions interminables, répondant fébrilement à des mails entre deux appels. Cela donne une impression de productivité, mais accomplissons-nous réellement quelque chose ? Malheureusement, les chiffres sont éloquents :
- Selon la Harvard Business Review, les cadres passent aujourd’hui près de 23 heures par semaine en réunion, contre moins de 10 heures dans les années 60.
- Une étude de Deloitte indique que les employés ont augmenté de 250 % le temps passé en réunion par rapport à la période datant d’avant la pandémie.
- La London School of Economics estime que 35 % des réunions ne servent à rien, ce qui représente un coût annuel de 259 milliards de dollars pour les entreprises aux États-Unis, et 50 milliards de livres au Royaume-Uni.
Et puis, il y a le fameux «FOMO » (de l’anglais « Fear of Missing Out », soit la peur de manquer quelque chose) qui pousse de nombreuses personnes à assister à des réunions, même lorsqu’elles n’ont rien à y faire. Ce qui était censé favoriser l’inclusion et l’engagement finit aujourd’hui par coûter des milliards, tout en démotivant et épuisant les équipes.
Quelle leçon en retenir ? Même si l’IA générative permet de renforcer la productivité individuelle, tant que nous ne nous attaquons pas directement à ces dysfonctionnements, le temps gagné ne fera qu’alimenter une activité toujours plus soutenue… mais pas nécessairement plus utile.
Nous accordons trop d’attention à la manière dont l’IA générative peut accroître la productivité, tout en négligeant les inefficacités culturelles et systémiques qui pèsent bien plus lourd. Si nous ne revoyons pas en profondeur nos méthodes de travail, le temps gagné grâce à la technologie sera simplement englouties par un excès d’activité, sans réel gain de valeur.
Que pouvons-nous tirer de l’exemple de X ?
Prenons la décision d’Elon Musk de réduire de plus de 50 % les effectifs de X (anciennement Twitter). À l’époque, beaucoup annonçaient l’effondrement imminent de la plateforme. Pourtant, malgré quelques accrocs, cela ne s’est pas produit. Cela soulève une question essentielle : quelle part de nos activités est réellement indispensable et créatrice de valeur ?
C’est un exemple qui divise, certes, mais il met en lumière une réalité que de nombreuses grandes organisations doivent affronter : il est possible de fonctionner de manière plus légère et plus efficiente. Nous pouvons accomplir bien plus si nous éliminons les tâches superficielles qui, bien souvent, n’apportent aucune valeur réelle.
Revenir à l'essentiel
Le fardeau économique étant en grande partie lié à l'inefficacité, il est temps d'accorder autant d'importance à la façon dont nous travaillons qu'à la quantité de travail que nous effectuons. Voici comment procéder :
- Quantifier la charge en utilisant l’IA générative pour mesurer la valeur réelle des réunions, des mails et des nombreux outils de communication et de collaboration que nous utilisons au quotidien. L’IA peut résumer les points clés de chaque réunion, extraire les actions à entreprendre des messages reçus. Grâce à l’analyse de données, nous pouvons mettre en évidence ce qui est réellement utiles ou encore identifier ce qui fonctionne afin d’éliminer ce qui n’apporte aucune valeur.
- Prendre des mesures drastiques comme en instituant des journées sans réunion ou en fixant des quotas de réunions par équipe. Le transfert d’invitations à des personnes non essentielles, sans accord de l’organisateur, représente une perte de temps considérable. Aussi surprenant que cela puisse paraître, des outils comme Copilot pourront bientôt filtrer les participants qui n’ont pas de rôle actif à jouer.
- Responsabiliser les leaders compétents en recrutant et valorisant des managers qui comprennent les réalités de l’activité, qui prennent des décisions éclairées et qui placent l’impact au cœur de leur action. Ce sont eux qui façonnent et entretiennent la culture adéquate, une culture centrée sur des résultats concrets et de la création de valeur pour l’entreprise.
- Réinventer les systèmes de reconnaissance car il est temps de cesser de récompenser la simple présence au profit de l’impact réel. Célébrons et encourageons le travail qui produit des résultats tangibles. C’est ainsi que l’on construit une culture durable, centrée sur la performance et les effets mesurables.
- Mesurer ce qui compte vraiment plutôt que de suivre la productivité à l’échelle individuelle. Concentrons-nous sur les résultats au niveau des processus métier, avec des indicateurs comme la CSAT (évaluation de la satisfaction client) en ligne directrice. L’IA générative peut jouer un rôle clé en détectant les impacts positifs et en analysant le ressenti client, pour mieux évaluer l’effet réel du travail accompli.
Réflexions finales
Il ne s’agit pas de conclure que l’IA générative nous rend moins efficaces. Bien au contraire ! Elle excelle dans l’automatisation des tâches répétitives, dans l’analyse des inefficacités et permet une collaboration plus fluide. Mais comme tout outil, son efficacité dépend de l’usage qu’on en fait.
Ce qu’il faut retenir, c’est que sans changement culturel, nous risquons de tomber dans le piège du jeu à somme nulle. L’IA générative est un levier de productivité puissant, mais ses bénéfices peuvent être rapidement annulés par des habitudes ancrées et des pratiques dépassées.
Adil Tahiri
Head of CTO and Client Advisory GroupMember, Atos Research Community
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