Le numérique en 2026 : allons-nous vers une cinquième dimension ?
« La prédiction est un art difficile. Surtout s'il s'agit de l'avenir », disait le physicien danois Neils Bohr. La communauté scientifique d'Atos vient tout de même de publier son rapport visant à identifier les tendances clés pour les quatre prochaines années : « Journey 2026 : explorer les dimensions du virtuel ». Dans une période tumultueuse pour le monde et le numérique lui-même, qu'envisagent nos experts ?
S’affranchir des frontières entre physique et virtuel
Jean-Christophe Spilmont, membre de la Communauté Scientifique Atos et co-rédacteur en chef de Journey 2026, explique : « L’idée centrale est que nous entrons dans une nouvelle ère. Dans les années 1960 à 1980, l’invention des ordinateurs a permis de mieux gérer le monde. De 1980 à 2000, le web a permis de le reproduire virtuellement. Depuis, de 2000 à 2020, la transformation numérique « SMAC » (social, mobile, analytique et cloud) a permis de le simuler et de l’optimiser. »
Dans Journey 2026, nos experts affirment que certaines technologies sont sur le point d’étendre définitivement notre univers physique grâce aux nouvelles dimensions du virtuel - augmentant véritablement notre monde. Ils citent notamment la prévalence de l'Internet des Objets et de la blockchain, ou bien l'émergence des technologies de nouvelle génération telles que l'intelligence générale artificielle (GAI) et l'informatique quantique.
En plus des trois dimensions physiques (largeur, profondeur, longueur) et du temps (la quatrième dimension), nos experts envisagent une nouvelle cinquième dimension numérique à part entière. Selon Jean-Christophe Spilmont, « cette dimension numérique n'est pas liée par les lois traditionnelles de la physique. Dépourvue de limites (pas de frontières), de friction (pas de distance) et dotée de capacités exponentielle (pas de gravité), elle nous ouvre des potentialités quasi infinies. »
Les nouveaux paradigmes du virtuel
Cette évolution ouvrirait ainsi un nouvel univers de possibilités radicales avec des actifs virtuels illimités, des individus virtuels, des organisations virtuelles et même des nations virtuelles qui pourraient redéfinir profondément notre monde. Pour Jean-Christophe Spilmont, l’impact est triple.
Cette évolution ouvrirait ainsi un nouvel univers de possibilités radicales avec des actifs virtuels illimités, des individus virtuels, des organisations virtuelles et même des nations virtuelles qui pourraient redéfinir profondément notre monde. Pour Jean-Christophe Spilmont, l’impact est triple.
D’abord, cette nouvelle dimension repoussera l’enveloppe du monde physique traditionnel. « Cela pourrait nous aider à résoudre le dilemme de la durabilité environnementale, notamment dans les industries à forte intensité de ressources, » prédit-il. Le développement de technologies basées sur le traitement de données à grande échelle, les jumeaux numériques, l’IA ou encore la réalité augmentée, aidera les organisations à concilier plus facilement durabilité et personnalisation, et à rapprocher la production des points de consommation. Les plateformes d’écosystèmes d’entreprises sont particulièrement intéressantes dans ce cadre, pour bâtir des projets collectifs, mutuellement bénéfiques à de multiples participants de différents secteurs.
Ensuite, les sociétés vont connaître de profondes transformations, avec l’émergence de nouveaux modes de relations, qu’ils soient entre humains, ou avec des robots. On constate déjà l’émergence du « virtual-shoring », s’appuyant sur des agents virtuels intelligents et automatisés. On peut déjà créer de nouvelles déclinaisons virtuelles de nos vies humaines, depuis l’apprentissage virtuel jusqu’aux avatars de personnes vivantes, voire décédées. Les entreprises aussi expérimenteront de nouveaux modes de création de valeur, avec l’essor de l’économie de la donnée et de nouveaux écosystèmes autour des places de marché de données et de la tokenisation.
Enfin, Jean-Christophe Spilmont insiste sur la nécessité de penser de nouvelles stratégies pour franchir le fossé entre physique et virtuel : « Cette cinquième dimension soulèvera, mais aussi résoudra, des problèmes essentiels dans des domaines tels que la gestion des cyber-risques, la responsabilité numérique des gouvernements, des entreprises et des citoyens, et la résilience dans un monde exponentiellement volatile, incertain, complexe et ambigu. »
Ce changement spectaculaire en cours crée des risques majeurs confirmés par l'actualité : déstabilisation sociale et économique, problèmes de sécurité et de gouvernance, etc. « Identifier les meilleures pratiques en matière d'antifragilité sera essentiel pour que toutes les sociétés, les entreprises et les individus puissent traverser sereinement cette phase de mutation. Nous abordons tout particulièrement ce point dans Journey 2026 », présume Jean-Christophe Spilmont. L'objectif est aussi d'identifier les vastes opportunités et voies de progrès que la dimension numérique ouvre. « Les espaces virtuels ne sont-ils pas véritablement le prochain continent inconnu à conquérir ? », ajoute-t-il. La cinquième dimension deviendra peut-être le Nouveau Monde du XXIe siècle, avec ses idéalistes, ses pirates, ses pionniers mais aussi ses nouveaux empires à conquérir.
Publié le 17 octobre 2022