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L’accessibilité numérique : plus qu’une conviction, un enjeu business

cours des 20 dernières années, les personnes en situation de handicap ont grandement bénéficié de la migration sur le web de nombre d’activités administratives ou quotidiennes. Mais il semble que la promesse initiale d’internet et de la virtualisation n’ait pas été confirmée, y compris sur le lieu de travail. Dans un monde de plus en plus numérisé et virtualisé, l’accessibilité numérique devient un impératif, pour garantir autant l’inclusivité que la meilleure expérience utilisateur pour tous. Le secteur privé l’a-t-il compris ?

L’accessibilité numérique, c’est quoi ?  

C’est le champ d’application de l’accessibilité en général étendu à l’informatique et aux outils numériques. Il grandit au fur et à mesure des innovations, et en devient illimité : du hardware (automates, ordinateurs, téléphones…) à leurs applications, en passant par tout ce qui y est produit ou consulté (documents, présentations, vidéos, etc.). Cependant, l’accessibilité numérique est souvent perçue comme une contrainte, par ceux qui ne comprennent pas son importance pour ceux qui en ont besoin, ni ses bénéfices pour l’ensemble des utilisateurs. La clé est de faire la distinction entre les modèles médicaux et sociaux du handicap.

Dans le premier cas, il s’agit de considérer les exigences particulières de l’utilisateur, liées à un état médical (personnes non ou mal-voyantes, handicap moteur pour l’utilisation d’un périphérique, etc.). Il faut prévoir de décrire les images, utiliser des palettes de couleur contrastées, choisir des technologies compatibles avec des logiciels lecteurs d’écran… Cela nécessite des ressources et du temps, dédiées à respecter la règlementation et l’inclusion de manière ponctuelle et selon le besoin immédiat de l’utilisateur ce qui est une vision très étriquée. Or il est nécessaire d’adopter une approche globale et anticipée qui traite en amont de l’ensemble des situations potentiellement bloquantes.

Dans le second cas, il s’agit d’évaluer l’environnement pour constater toutes les barrières involontaires, posées là par manque de prévoyance ou par mauvaise conception. On a tendance à se préoccuper de l’accessibilité le jour où on en a besoin, auquel cas, compte tenu de la vitesse à laquelle les choses évoluent, il est trop tard. Si une banque n’a pas pensé à l’accessibilité de son service en ligne, l’utilisation d’un clavier Bluetooth avec une tablette devient un handicap. Autre exemple, une description sur une image améliore le référencement des sites sur les moteurs de recherche (SEO) et donc les ventes e-commerce. Amélioration de la réputation sociale, augmentation des parts de marché, économies de maintenance… avec cette perspective, l’accessibilité numérique devient un levier business, générateur de valeur.

De l’obligation à l’innovation

Pour répondre à ces enjeux, le politique s’est emparé du sujet, poussé par une communauté importante et vocale de militants. Les Web Content Accessibility Guidelines (WCAG) du W3C, actuellement en version 2.1 et bientôt mises à jour, sont la norme incontournable en matière d’accessibilité. Une législation nationale la complète maintenant dans la plupart des pays du G20. En France, le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) date de 2009. Le champ d’application de la loi a reçu un coup de pouce (ainsi qu’un changement de nom) en 2019, lorsqu’il a été étendu au secteur privé.

Malgré cela, et dans le monde entier, les choses ne changent pas aussi vite que les exigences techniques et légales le demandent. L’accessibilité numérique est toujours perçue comme une obligation onéreuse. Prendre en compte l’accessibilité numérique dès la création d’un service ouvre la porte à un mode de conception où rien n’est acquis. La conception centrée sur l’utilisateur et l’expérience utilisateur (UX design) ne sont pas nouvelles, mais l’accessibilité les enrichit d’une notion évidente : on ne peut pas tout prédire sur un utilisateur.  Les développeurs qui adoptent la conception universelle ont compris que l’accessibilité n’est pas un créneau de niche. Au contraire, elle permet d’ouvrir la voie vers davantage d’interaction et d’innovation.

Ainsi l’accessibilité n’est pas seulement une obligation, c’est une opportunité économique qui bénéficie aux utilisateurs en situation handicap comme au plus grand nombre.

Comment la déployer dans les grandes entreprises ?

Longtemps l’accessibilité s’est cantonnée aux PME et aux organisations à but non lucratif, échappant au radar de la plupart des multinationales. La législation française s’est mise en œuvre pour le secteur privé juste avant la pandémie de Covid-19, ce qui a ralenti le déploiement des contrôles et des sanctions. Pour les grandes entreprises aujourd’hui, les amendes potentielles ne sont pas aussi importantes que les coûts de réputation dus au non-respect de principes pourtant mis en avant dans leurs stratégies. Les préoccupations sociales à ce titre risquent de fonctionner comme les préoccupations environnementales, le greenwashing de devenir du screenwashing. Avec l’augmentation du risque de perte de clients et de la concurrence sur ce secteur agile, les entreprises commencent à prendre la question au sérieux.

En France, la loi exige l’adoption d’un plan à 3 ans (« schéma pluriannuel en accessibilité ») pour atteindre l’accessibilité à tous les niveaux, dans tous les aspects de l’entreprise : achats, IT, RH, formation… Cela a bien entendu facilité l’adoption dans les grandes entreprises. L’accessibilité ne se limite plus à une solution ponctuelle, ou à un mémo destiné au service informatique. Ces plans impliquent toute l’organisation, un changement de culture et de pensée. Les bénéfices business de l’accessibilité ont été mis en avant, les formations sur le sujet se sont intensifiées et l’effort collectif a été récompensé par des gains en matière de compétences, de croissance et de résilience.

Le European Accessibility Act (Acte législatif européen sur l’accessibilité) a pour but de fédérer les approches législatives nationales et d’encourager le commerce international de produits et services accessibles à horizon 2025. Les entreprises prospères se trouveront du bon côté, espérons-le, pour le bien-être des personnes en situation de handicap.

Publié le 2 décembre 2022

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