Stockage intelligent des énergies renouvelables : un défi pour le numérique
Avec la diversification du mix énergétique et l’avènement des productions décentralisées, le stockage de l’électricité devient un enjeu majeur de la transition énergétique. Aujourd’hui, les batteries de stockage de l’électricité sont le système le plus connu. Demain, comment stockera-t-on l’énergie à plus grande échelle ?
Ces vingt dernières années, le stockage de l'énergie connaît le plus important essor depuis que Volta a fabriqué ses premières batteries en 1800. Cette évolution est liée aux bouleversements opérationnels, technologiques et sociaux du secteur des utilities. Outre le développement grandissant des énergies renouvelables en France face au nucléaire et à l’hydraulique et l’impératif de décarbonation, le secteur des utilities est touché par la décentralisation de la production et l’émergence du producteur-consommateur (prosumer) qui exploite des éoliennes privées ou installe des panneaux solaires sur son toit. Le marché se libéralise également, et voit des offres dédiées aux consommateurs se multiplier avec la fin des monopoles de vente de l’électricité.
Aujourd’hui, les technologies de stockage offrent des solutions à l'échelle industrielle. Le stockage des énergies renouvelables devient clé pour pouvoir maintenir l’équilibre entre l’approvisionnement et la demande. Les productions d’énergie solaire et éolienne étant dépendantes des conditions météorologiques, leurs périodes de productions ne sont pas nécessairement alignées avec les périodes de demande. Assurer cet équilibre entre l’offre et la demande, et en même temps, préserver la stabilité du réseau nécessite de disposer de moyens adéquats de régulation, le stockage offre cette capacité. Par ailleurs, au-delà de l’enjeu de décarbonation, il s’agit de répondre aux attentes de l’opinion publique, de se conformer aux réglementations émergentes et de se préparer à l’envolée de la mobilité électrique.
Entre stockage industriel et stockage en centrale électrique virtuelle
Deux grandes catégories de stockage existent et se distinguent par leur composition, leurs fonctions et leur potentiel de service.
D’un côté, le stockage industriel (constitué d’installations massives et fixes) utilise généralement des technologies de batteries lithium-ion et offre une puissance de 15 à 20 MW. Il est détenu et exploité par les acteurs traditionnels du marché de l’énergie.
De l’autre, la centrale de stockage virtuelle agrège des capacités de stockage diffuses, provenant principalement des batteries des véhicules électriques. Dans ce cas, il faut que la centrale puisse non seulement monitorer la consommation et injection électrique du véhicule lorsqu’il est branché au réseau (via une borne), mais aussi prendre en compte les besoins des utilisateurs de ces véhicules électriques. Ce modèle repose donc sur la collecte massive de données et leur analyse en temps réel, et exige une infrastructure décentralisée et agile. Ce type de stockage peut être exploité aussi bien par les acteurs des utilities que par des constructeurs automobiles, des sociétés immobilières ou des collectivités territoriales.
Comment exploiter les batteries de manière durable ?
Les batteries sont coûteuses, tant par leur prix que par leur empreinte écologique. Il est essentiel que les composants soient adaptés pour une durée de vie utile maximale et un impact environnemental minimal, de la fabrication à la mise hors service. En outre, chaque batterie possède un cycle optimal de charge et de décharge. Grâce à l’avancée technologique de l’IoT industriel, les batteries peuvent être configurées pour s’autogérer.
Au-delà de bien maîtriser l’usage des batteries, il faut prédire la production d’énergie renouvelable en exploitant les données météorologiques nécessaires et prendre en compte les prévisions de consommation afin de définir l’usage qui sera fait des batteries, et garantir un rendement commercial durable.
L’optimisation des ressources ne consiste néanmoins pas seulement à savoir comment et quand charger et décharger sa batterie pour une durée de vie maximale. Elle porte également sur la valeur financière de l’exploitation d’énergie renouvelable : savoir quand vendre l’excédent énergétique et comment en obtenir le meilleur prix pour assurer sa rentabilité même en cas d’excédent de production.
Le rôle du numérique dans le stockage intelligent
La collecte et le traitement des données sont ainsi cruciaux pour faire fonctionner ces modèles de stockage, depuis la production des énergies renouvelables, la gestion du stockage et du réseau, la prévision de la demande jusqu’à la facturation de la consommation et la rétribution aux producteurs-consommateurs. À mesure que ces modèles de stockage prennent de l'ampleur, ils s'appuient sur une automatisation sophistiquée, l'apprentissage automatique (machine learning) et l'IA, et de fait sur une demande massive de mise en réseau et de traitement informatique. Il est donc nécessaire d'établir des plateformes de données solides, permettant aux données provenant de l'ensemble du réseau d'être combinées et analysées pour obtenir des informations fiables et pertinentes. Lorsque, par exemple, des applications de type « vehicle-to-grid » sont déployées, il faut combiner les données provenant des secteurs de l'automobile et des utilities.
En collaboration avec Météo-France, Atos a déjà déployé l'IA dans certaines des prévisions météorologiques les plus sophistiquées, avec la plateforme GreenForecast, utilisée pour prévoir la production de l’énergie renouvelable.
Au-delà des enjeux financiers et environnementaux, savoir stocker et équilibrer production et consommation représente un enjeu de souveraineté. Des fluctuations prévisibles du réseau (cours des autres énergies, interruptions de réacteurs nucléaires) aux urgences imprévisibles (ruptures de ligne en cas de tempête), le stockage de l’énergie est une problématique clé pour nos besoins actuels et futurs.
Publié le 22 février 2022