Quel virage numérique responsable pour les énergéticiens ?
Pour avoir une politique RSE efficace et crédible, il n’est plus possible d’ignorer l’impact de ses systèmes numériques, ou de s’en désintéresser au prétexte qu’il serait marginal au regard d’autres postes d’émission. C’est ce qu’ont bien compris les acteurs de l’énergie, pour qui décarboner le digital est désormais une priorité.
La réduction de l’empreinte environnementale du numérique passe par tout un éventail de mesures techniques et organisationnelles à mettre en place sur l’ensemble du cycle de vie des systèmes, depuis la fabrication des équipements jusqu’à leur démantèlement en passant par la conception et l’utilisation des services.
L’écoconception dès la phase de design
Pour décarboner le numérique, se concentrer sur l’efficacité énergétique des data centers n’est plus suffisant : il faut aller plus loin et élargir le périmètre. Du fait de l’impact majeur de la phase de fabrication, il faut également s’efforcer de limiter le nombre des équipements et d’en prolonger la durée de vie. Cela passe, par exemple, par la rationalisation des usages, l’amélioration du support, des politiques en faveur du réemploi, l’achat de matériels reconditionnés, ou encore le développement du BYOD (Bring Your Own Device) pour éviter le cumul des appareils.
L’écoconception devient elle aussi une exigence grandissante. À condition d’y avoir réfléchi en amont, certains choix techniques ou de design peuvent permettre de réduire considérablement la consommation d’énergie d’un service numérique sans pour autant nuire à ses performances. Bien au contraire même, puisque des pages plus légères et des échanges ramenés à l’essentiel limitent les temps de chargement et de réponse. À travers l’écoconception, les enjeux environnementaux rejoignent ainsi des enjeux sociétaux d’accessibilité et d’inclusion auxquels des fournisseurs d’un service universel comme l’énergie sont aussi attentifs. On parle alors de numérique responsable. A l’instar d’EDF dont les data centers sont doublement certifiés ISO 14001 (management environnemental) et ISO 50001 (management de l'énergie). Ce qui permet à l’énergéticien de réduire sa consommation d’énergie de 15 % depuis plusieurs années tout en doublant son nombre de serveurs et leurs puissances de calcul.
Durée de vie des équipements et écoconception se retrouvent d’ailleurs dans les évolutions de la réglementation et des politiques publiques telles que la loi REEN (Réduire l’empreinte environnementale du numérique) adoptée en novembre 2021 et la feuille de route gouvernementale « Numérique et environnement » de février 2022. À terme, le référentiel des bonnes pratiques d’écoconception GR491 élaboré par l’INR, aujourd’hui incitatif, pourrait ainsi devenir un cadre obligatoire au même titre que le RGPD (données personnelles) et le RGAA (accessibilité).
Des appels d’offres de plus en plus verts
La montée en puissance du numérique responsable se lit surtout très directement dans les appels d’offres émis par les grandes entreprises et les organisations publiques, tout particulièrement dans le secteur de l’énergie. « En un an, le nombre d’appels d’offres qui ont un volet RSE a doublé. Et quand les critères RSE ne comptaient que pour 5 % à 10 % de la notation il y a trois ans à peine, c’est aujourd’hui plutôt de l’ordre de 15 % à 20 %. C’est une vraie lame de fond », témoigne Christelle Malergue, responsable RSE France chez Atos.
En outre, les questions posées sont de plus en plus précises. À l’image d’EDF, premier énergéticien français labellisé Numérique Responsable par l’INR (Institut du numérique responsable), les entreprises deviennent elles-mêmes des spécialistes de ces questions. Leurs prestataires doivent démontrer qu’ils seront capables de les emmener encore plus loin, mais aussi apporter les preuves de leur propre engagement environnemental. « De ce point de vue, les acteurs de l’énergie figurent certainement parmi les plus matures. Ils sont très pointus dans leurs exigences et on ne peut pas se permettre le moindre greenwashing », insiste Franck Freycenon, EDF Global Client Executive Partner, VP et membre de la Communauté scientifique d’Atos.
De ce point de vue, les acteurs de l’énergie figurent certainement parmi les plus matures. Ils sont très pointus dans leurs exigences et on ne peut pas se permettre le moindre greenwashing
Pour les convaincre, les entreprises de service numérique (ESN) doivent donc elles aussi changer de braquet sur le numérique responsable, qui doit devenir une part intégrante de leur culture. Aux efforts engagés de longue date pour améliorer l’efficacité énergétique des data centers, s’ajoutent de nouveaux chantiers : mise en œuvre d’une trajectoire de décarbonation crédible et basée sur la science, achats responsables (en collaboration avec les fournisseurs), ou encore formation aux bonnes pratiques de l’écoconception. « Le rôle de la RSE est d’impulser et d’accompagner cette mutation culturelle et opérationnelle. Comme la sécurité, la préservation de l’environnement doit devenir un réflexe et imprégner chaque geste, chaque décision, de tous les collaborateurs, à tous les niveaux », résume Christelle Malergue. Le secteur de l’énergie n’en attend pas moins.
Publié le 13 juillet 2022